Comme nous l’avons dit plus haut, tout bêtement, une maison conçue et réalisée par un architecte. Ou peut-être une façon de désigner une maison sur mesure, unique et singulière en opposition aux modèles de maisons sur plans. Ou encore une manière de différencier l’activité de l’architecte de celle du constructeur de maison individuelle.
Mais, dans cette dénomination « maison d’architecte » , il y a bien plus que cela. Il y a quelque chose qui concerne l’architecture moderne et, au-delà, l’histoire de l’architecture en général.
De prime abord, cette locution peut paraître triviale, banale, aux contours un peu flous. Il n’empêche que, dans le même temps, elle semble être employée pour désigner quelque chose de bien précis. Lançons une première idée : « maison d’architecte» est employé pour faire référence à un « style » ou plutôt à un « genre ».
Avançons encore un peu : Ce « style » de maison, ce « genre » sont associé à l’idée de modernité, d’opposition à ce qui est traditionnel. Il y a l’affirmation d’une démarcation, d’une rupture par rapport à des conceptions rustique et traditionnelle. « Maison d’architecte » veut dire « maison moderne ».
Puisqu’il est question de rupture et de modernité, il semble alors nécessaire d’aller voir dans l’histoire de l’architecture ce qu’il en est. Car, au risque de faire un raccourci un peu rapide, la naissance de l’architecture moderne est intimement liée à la « maison d’architecte », au point que certaines d’entre elles deviendront des icones du mouvement moderne. On identifie la modernité en architecture à quelques maisons devenues très célèbres. La liste est longue et nous n’en citerons que quelques unes : la maison de Tristan Tsara d’Adolf Loos, Robbie House, Falling Water, Taliesin de Frank lloyd Wright , la villa Savoye, la maison Stein , la maison Laroche, Pessac de Le Corbusier , la cité Weissenhof à Stuttgart , la maison de Gropius à Lincoln , le Pavillon Barcelona et la maison Tuggendhat pour Mies Van der Rohe, la maison Schröder de Rietveld , les maisons de Mallet Stevens , etc., etc.,…
Il est bien évident que la modernité en architecture ne se résume pas à la réalisation de maisons par les architectes de l’avant-garde. Mais qui, hormis les spécialistes, connaît les précurseurs de l’école de Chicago (1875-1905) , les pionniers de la structure métal, qui ont réalisé les premiers gratte-ciels ? Qui connaît les œuvres majeures de Le Baron Jenney, Richardson, Burnham et Louis Sullivan , le maître de Frank Lloyd Wright ? Qui connaît les bâtiments publics, Le Bauhaus de Dessau ( Gropius, 1925) . Par contre , quasiment tout le monde connaît la « maison sur la cascade » de Wright , la Villa Savoye de Le Corbusier, les maisons de Mallet Stevens .
La diffusion de l’architecture moderne s’est faite à travers un genre « domestique » : la « maison d’architecte.
C’est un nouveau type de maison , qui n’a rien à voir avec les maisons traditionnelles. Les gens de l’époque disaient : « ce sont des maisons sans toit ». Et on les a identifiées à des maisons d’architecte cubiques ou maisons d’architecte « cubes » – expressions qui sont restées dans le langage courant.
Il y a également quelque chose qui est tout à fait nouveau : l’architecture est désormais affaire de logement et a pour objet l’habitat. L’architecture est faite pour habiter. L’architecture n’est plus seulement publique (les palais , les églises et autres monuments), elle prend en charge la sphère privée et l’habitat est au centre des réflexions des architectes. On constate donc que l’appellation « maison d’architecte » est moins anecdotique qu’on ne l’imagine et qu’elle est au centre d’un processus historique .